faust (+) you're part of a machine, you are not a human being

Un jour, tu seras normal. C'est ce qu'on t'as dis quand tu étais encore humain. Mais normal, pour eux, c'était aimer les femmes. Tu les as jamais aimées, du moins, pas comme eux l'entendaient. On disait de toi que tu étais malade, que tu n'étais pas normal. Alors tu t'es caché, tu t'es renfermé et tu as attendu. Tu as attendu d'être accepté comme tu l'étais, chose qui n'est jamais arrivée. Tes mensonges t'on rendus taciturne, peu enclin à l'amusement et surtout bien trop sérieux. Toi qui ne demandais qu'un peu de reconnaissance et de compréhension, tu n'as rien eu de tout ça durant ta vie humaine. Qu'elle ironie que mille ans plus tard, l'homosexualité commence à être acceptée par tout le monde. Tu es né trop tôt, mais peu t'importe à présent puisque tu as l'éternité pour être ce que tu es vraiment. Tu t'assumes, totalement, sans la moindre once de gêne. Ça ne fait plus partie de ton vocabulaire depuis des siècles. Souvent d'ailleurs, tu ne montres que ce côté là de toi, que ce côté libertin extraverti. Il te colle à la peau et tu ne fais rien pour le démentir, ça ne t'intéresse pas. Et tu trouves ça bien trop amusant que pour laisser tomber. De toute manière, tu laisses le sérieux aux autres, tu équilibres la balance. Tous les vampires ne sont pas des monstres de sérénité ou de colère.

Tu fais partie du baiser de Jean-Claude depuis déjà plusieurs années, tu ne comptes pas d'ailleurs en partir de si tôt. Tu t'amuses trop bien ici, et puis, Jean-Claude est un maître plutôt magnanime, ce qui est bien trop rare chez les vampires. Il s'agit probablement de l'humanité que souhaite conserver cette réanimatrice qui t'empêche d'ailleurs de partager la couche de ton maître. Enfin, c'est ainsi.

Ton pas rapide se fait entendre, tu claques tes talons sur le sol. Tu n'as pas envie d'être discret, pas le moins du monde. Tu aimes te faire remarquer, tu aimes être le centre de l'attention, toi dont l'apparente jeunesse ne dépasse pas la trentaine. Ce soir ne vas pas déroger à la règle, c'est certain. Ton costume est parfait, sans le moindre pli. Taillé sur mesure, comme le reste de ta personne. Tes cheveux, redevenus châtains depuis quelques temps, sont coupés court et te donnent un air savamment débraillé, comme au saut du lit. Ce qui est d'ailleurs amusant pour un vampire, dont les yeux noisettes scrutent chacun des participants à la petite fête. Tu cherches tes futurs amants d'un soir, tes anciennes conquêtes ou encore ceux qui partagent ta couche régulièrement. Tu les multiplies, certes, mais tu les fais tous craquer malgré, et surtout grâce à toute ton extravagance. Personne ne dira le contraire en te voyant, alors que tu teinte de temps à autre ces cheveux d'un rouge profond, voire même parfois rouge plus vif. Tu cultives cette différence, tu arbores ton homosexualité comme on porte un étendard. Tes pas résonnent dans la pièce que tu traverses jusqu'à un de ces hommes. Cet homme qui t'as emmené ici tout d'abord pour sa vengeance personnelle et qui finalement est resté. Ton ami d'abord, comme bon nombre de vampires ici. Tu n'es pas un homme de conflit, même si tu avoue adorer choquer les pudibonds conservateurs. Ton sourire enjôleur ne quitte pas tes traits alors que tu t'assois sur le bord du canapé, croisant les jambes théâtralement. Assis, tu parais moins petit. Tu n'as pas l'occasion de porter des chaussures à talons comme ces dames tous les jours pour espérer gagner quelques centimètres, mais peu t'importe. Ce n'est pas la taille qui fait l'homme, assurément.

Tu t'avances dans le noir, là, comme si de rien n'étais. Tu es seul, au milieu de nulle part et tu attends. Tu attends que quelque chose se passe, que quelqu'un t'abordes, que quelqu'un te parles. Mais personne ne parles à un inconnu. Surtout pas quelqu'un comme toi. Les rumeurs vont bon train, tu ne peux rien y changer. Ce n'est pas ta faute après tout, mais c'est ainsi et tu n'as pas le choix. Tu te diriges vers l'un de ces clubs qui ne se connaissent que par le bouche à oreilles. Tu y vas pour la première fois, intrigué, un peu effrayé même par l'ambiance qui se dégage du lieu. Que tu ne connaisse pas cet endroit n'est pas étonnant, mais qu'on t'y ai convié l'es. La lourde porte devant toi semble impossible à ouvrir, du moins tu n'as pas l'impression de pouvoir la bouger d'un millimètre. Pourtant, elle s'ouvre, comme mue d'une volonté propre. Si tu étais un peu plus trouillard, tu aurais tourné les talons à l'instant même. La curiosité te pousses à entrer dans la bâtisse, pour y découvrir qui t'as invité là. Si tu avais fais attention aux rumeurs, aux on-dits de ces derniers jours, tu aurais su ce qui t'attendais là. Mais non, ces derniers jours, tu as préféré les passer auprès de ton amant avant qu'il ne soit obligé de se marier avec une greluche de bonne famille. Tu savais qu'il devait y passer, pourtant tu as espéré qu'il assume votre amour, qu'il laisse tomber ce mariage, ce qu'il n'a pas fait. Le cœur en miettes, tu veux noyer cette peine dans les bras d'un autre, qu'importe qui, tant que tu y trouves ton compte. Tu n'as plus envie d'aimer, tu as envie de vivre et de passionnément vivre. Tu ne veux plus te contenter d'un seul homme, ce n'est pas pour toi de t'attacher. Tu essuies cette larme, cette petite perle humide qui coule de tes yeux et que tu effaces d'un geste. Quelqu'un se tiens devant toi, tu n'as pas le temps de dire un mot. Tu clignes des yeux, plus rien n'est devant toi. Tu n'entends pas, mais tu sens ces canines qui s’enfoncent dans le creux de ton épaule. Tu ne peux rien dire, rien faire, alors que le sang sors de la plaie. Tu vas mourir, tu le sais, pourtant tu es au comble du bonheur, c'en est presque orgasmique. C'est la paix, ultime, le repos éternel.
Pourtant, milles ans plus tard, tu es toujours là. Enfin, mille est un chiffre dont tu ne connais pas réellement la pertinence, tu as oublié les dates. Elles ne sont pas importantes de toute manière. Tu as vécu tant de choses que finalement rien n'est réellement important, certainement pas des années. Tu as laissé tomber, bien que tu sais avoir fêté un bon millénaire d'existence. Tu en as d'ailleurs bien profité ce jour-là. Tu t'en souviens comme si c'était hier. Enfin, tu n'étais pas encore chez Jean-Claude, de ça tu en es certain. Mais la vie ici est comme un rêve, ce siècle offre bien des divertissements. Ce business, monté par le Maître de la Ville, est exubérant comme tu l'aimes. Tu t'épanouis ici, plus que lorsque tu étais avec ton créateur, que tu as suivi pendant des siècles et des siècles. C'est un vent d'air frais à Saint Louis, presque un monde à part chez les vampires. Tu t'amuses comme un fou, tu cours d'hommes à hommes, tu juges ces frêles humains qui viennent voir comme un amusement ceux dont les crocs dépassent. Tu profites de cette liberté, tu profites de ton statut, tu vis comme tu l'entends, ou presque. Parce que tu es toujours obligé de suivre les ordres, de vivre sous la coupe d'un autre. Mais peu t'importe, tu t'en accommodes, tu lui es loyal, à Jean-Claude, parce que tu le respectes. Tu n'es de toute manière pas capable de devenir Maître de la Ville, malgré ta puissance et tes milles ans d'expérience, tu seras toujours moins fort que lui. Alors, tu vis selon ses règles, comme tous les autres vampires.