Haley Deveraux

Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder. Résistez et votre âme se rend malade à force de languir ce qu'elle s'interdit. [Oscar Wilde]

D'apparence séduisante, il est aisé de songer en elle une femme fragile et douce qui d'un seul claquement de doigt serait prête à être cueillie. Quelle absurde idée ! Il suffit de quelques mots redondants pour qu'elle passe de présence plaisante à repoussante. Franche et ne lésant point sur un langage quelque peu fleurie, elle retournerait plus d'une fois le cerveau de chacun. Sans compter son impétuosité et sa détermination sans faille qui ne prouve qu'un seul fait : elle sait ce qu'elle veut et fera tout pour y arriver. Des restrictions ? Ceci ne fait pas partie de son vocabulaire ni de son comportement, même s'il lui arrive de paraître très sage dans certaines situations. Elle n'est pas non plus idiote au point de foncer tête baissée dans le tas ; oh que non, elle est réfléchie et prendra le temps qu'il faudra pour analyser son environnement et agir en conséquence.

Très bonne actrice, il est difficile de prévoir ses agissements. Elle est en d'autres termes « imprévisibles » et adore user de son charme dès que le moment s'y prête. « Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins » est ce qui la décrirait au mieux à quelques détails près. Certains diront qu'elle est fourbe, d'autres impitoyable. A vous d'en juger !

Joueuse, elle prend plaisir dans tout ce qu'elle entreprend. Un défi ? Elle y répondra. Une impasse ? Elle la surmontera. Elle ne se donne aucune limite jugeant que sa vie d'éternelle serait bien trop ennuyeuse sans ses petits faits qui font d'un rien un tout. Laisse à savoir ce qui est sous-entendu derrière ces quelques paroles... Néanmoins, une partie d'elle-même reste encore « humaine » même si elle ne se présente que très rarement, les années ayant déjà fait leur part du travail. Elle est encore « jeune », dirons certains vampires. Peut-être cette simple pensée permettait-elle de laisser filer les quelques actes malsains pour lesquelles elle s'était livrée ; car une chose de sûre, elle ne pouvait lutter contre la tentation – beaucoup trop étouffante à son goût : la soif de sang et le besoin charnel. Esclave de ses désirs, elle a appris bien assez tôt qu'il était inutile de lutter contre sa nature – forte raison qui a forgé celle qu'elle est devenue.

Appartenant au Baiser de Jean-Claude, il est la seule personne qu'elle écoute et qui arrive à avoir un certain pouvoir sur ses actes. Elle lui doit le débarra de son ancienne vie monotone dont elle lui sera toujours reconnaissante. Oui, elle sait faire preuve de sagesse lorsqu'il le faut. Elle est même persuadée que Jean-Claude voit en elle quelque chose qu'elle n'est pas ou du moins qu'il essaye de la forger comme il l'entend. Douce plaisanterie.

Une mélodie unique, un timbre charmeur, une voix qui en aurait envoûté plus d'un. Légèrement fluette, aussi légère que la brise printanière, elle n'est qu'un doux son cachant la force battante de cet être qui semble si frêle de l'extérieur. Un sourire farouche, des lèvres pleines de promesse, une barrière redoutable capable de cracher les mots les plus infâmes sur terre ~ un rêve capable de virer au cauchemars en une fraction de seconde. Glissant ses doigts glacés sur ses pommettes rebondies, elle semblait chercher à convaincre le monde entier que cette touche légèrement rosie était d'un naturel indiscutable. Elle humecta ses lèvres et tâcha de sourire fébrilement – cachant ce qui dévoilerait son véritable lien.

Ses longs cils balayèrent plusieurs fois la morosité de son regard. Tendre promesse, ses yeux légèrement rieurs bataillaient entre le chocolat noir et le plus fin, au lait. Une gourmandise qui aurait pu le rester si le voile de son regard paraissait moins affamé. Elle se frotta la pointe de son nez, puis passa ses doigts délicats dans sa sombre chevelure afin de les ramener sur le côté comme à son vieille habitude humaine – ou plutôt ce qu'elle voulait en faire croire. Une ancienne mèche rebelle s'amusait à taquiner cette fameuse cascade brune aux fines ondulations.

Son visage se figea un instant comme si l'espace temps avait arrêté de faire son travail. Quelques secondes passèrent avant qu'elle ne pousse un léger soupire comme la situation l'agaçait – oui, elle aimait le faire savoir, mais il ne lui fallut qu'une fraction de temps pour agir. Prenant appui sur ses fins poignets, elle se releva. Son petit mètre soixante ne lui rendant pas justice, elle aimait enfiler une paire d'escarpin pour paraître plus intimidante – deux objets pointus dont elle savait particulièrement usée dans ses folies passagères. Connaissant sa silhouette menue, elle se permettait toutes les extravagances qui pouvait lui passer par la tête jonglant sans aucun problème d'un vieux jean usé à une robe noire des plus sexy. Tant que l'habit lui permettait d’exécuter tout ce qu'elle voulait, elle lui offrait le loisir d'exister.

C'est d'une démarche déterminée qu'elle quitta la pièce, en quête d'une nouvelle proie...

Une envie ? Une réussite ? Un but ? Tant de questions que l'on se pose au fil du temps. On se cherche, parfois on se trouve, puis tout d'un coup vous arrive l'improbable. Votre rêve se réalise. Ouais, une connerie tout droit sortie d'un film ! Ou bien c'est moi qui me suis trouvée au mauvais endroit, mais je n'ai jamais voulu de cette vie. Chaque jour toujours la même routine, la même phrase, le même comportement. Haley fait-ci, Haley fait-ça ; l'étiquette familiale ne devant en aucun cas être sali. J'ai passé ma vie à suivre les règles qu'on me dictait. Être le modelage d'une personne que je n'étais pas sans avoir le moindre mot à en redire. Je ne luttais pas, car on ne m'en laissait pas le choix – au risque d'être violemment punie, chose que je ne supportais guère les seules fois où l'envie m'avait pris de me rebeller. « Je ne recommencerais plus promis. Je continuerais à être votre. » Un objet. Un moyen de réussir là où ils avaient échoué, mes très chers parents – êtres cauchemardesques. Je les détestais. Ils avaient ruiné ma personne, mon estime de soi et m'avait réduite en une vulgaire marionnette.

Mon éducation devait être parfaite. Je n'avais pas le droit à l'erreur. Je n'avais pas le droit de me foirer à un examen – oh que non, grossière pensée ! La moindre faiblesse ne devait être montrée si je voulais avoir un minimum de paix, alors je me donnais corps et âme dans mon devoir de bonne fille de famille. J'apprenais la bienséance, l'art de jouer du piano, l'art de modeler son corps dans des pas frénétiques. J'apprenais toujours et encore ce que l'on me demandait de faire. Toute ma vie d' « humaine » fut ainsi : un amas de règles à respecter au point de vous bouffer entièrement. Vous vous perdez vous-même sans trouver la moindre échappatoire, sans trouver la moindre bouée pour vous relever ; vous êtes seul sans qui que ce soit pour vous comprendre, pour vous tendre une main aimante. C'est le noir complet et vous faites du surplace comme un parfait imbécile.

Alors un jour, je décidais de m'offrir une soirée rien que pour moi – rien qu'une seule. « Ils » ne seraient pas au courant, car j'avais passé des semaines entières à ressasser les moindres étapes du parcourt à effectuer. Ce soir-là, je sortirais et je prendrais plaisir dans une soirée animée où je pourrais enfin oublier la tristesse de mon existence. Parée sur mon 31, je m'étais glissée hors de la demeure sans qu'aucune trace de mon passage puisse être détectée. Il était assez tard pour être sûre que personne ne vérifie que je sois bien dans ma chambre. Marchant d'un pas rapide dans les rues, je me sentais poussée des ailes – je me sentais revivre comme jamais. Enfin, je faisais quelque chose pour moi sans que rien en retour ne me soit demandé. Je ne serais pas fliquée, je ne serais pas une poupée ou quoi que ce soit d'autre, juste pour quelques heures. Je serais moi, tout simplement.

Peut-être m'étais-je sentie trop assurée ou avais-je mal calculé mon coup, mais je n'arrivais jamais à destination. Non, ce fameux soir fut celui de mon renouveau. Une proposition alléchante, des promesses à en tomber par terre et se fut l'élément déclencheur. Une morsure mortelle pour un réveil surnaturel. Un échange équitable m'étais-je étonnée de penser. Peut-être pour certain était ce que l'on appellerait l'enfer, mais pour moi, ce fut la délivrance. Devenir vampire est ce qui m'était arrivée de mieux. Je pouvais enfin être celle que j'étais – sans aucune règles à respecter... Mouais, pas vraiment, si je ne voulais pas finir empalée, il fallait que je me plis tout de même à certaines. En même temps, je lui devais bien ça et puis, ce n'était pas si horrible comparer à mon ancienne vie.

Ce que je n'avais pas prévue, c'était cette faim insatiable : autant du sang que du sexe. Ce besoin impérial qu'il fallait chaque jour régaler si l'on ne voulait pas finir complètement barjo. Je ne vais pas mentir en disant qu'au départ, j'avais lutter. Petite fille prude et maniéré, je repoussais cette nature autant que je le pouvais, mais je me suis vite rendue compte que c'était inutile. Alors j'ai décidé de laisser libre court à la tentation...